À peine la poussière de l’élection présidentielle de 2024 est-elle retombée que l’ouragan Donald Trump gronde à nouveau. Alors que l’ancien président continue de dominer le cycle de l’information avec ses meetings, ses déclarations et ses batailles judiciaires, un nouveau scandale a éclaté au cœur de l’été 2025. Cette fois, il ne s’agit pas de documents classifiés ou de financements de campagne, mais de sa propre plateforme de médias sociaux, Truth Social.
Les gros titres que vous avez peut-être lus parlent d’une affaire de violation de la vie privée, de vente de données d’utilisateurs, un écho de l’affaire Cambridge Analytica. Les médias se concentrent sur l’aspect financier, l’hypocrisie d’une plateforme prônant la liberté qui exploite ses propres utilisateurs.
Mais cette version de l’histoire, bien que factuelle, n’est que la partie visible et rassurante de l’iceberg. Ce que la plupart des médias, par manque de temps, de ressources ou de perspective, vous cachent, c’est la véritable nature de ce scandale. La vérité est bien plus sombre et plus alarmante. Il ne s’agit pas seulement de vendre des données. Il s’agit de construire une arme politique d’un nouveau genre, une armée numérique privée dont les implications pour la démocratie américaine sont terrifiantes.

Le scandale en surface : l’affaire “Truth Social Data”
L’affaire a éclaté en juillet 2025, lorsqu’un lanceur d’alerte, ancien ingénieur de haut niveau chez [suspicious link removed], a transmis des documents internes à plusieurs grands médias, dont le site spécialisé The Verge et le journal britannique The Guardian.
Les révélations de surface sont déjà choquantes. Les documents prouveraient que, pendant près de deux ans, la société mère de Truth Social a secrètement vendu des ensembles de données anonymisées de ses utilisateurs à des sociétés de marketing politique et à des courtiers en données. L’objectif était double : générer des revenus pour une entreprise en difficulté financière et fournir des outils de ciblage publicitaire à des campagnes conservatrices.
La réaction médiatique a été immédiate et prévisible. Les articles se sont concentrés sur :
- La violation de la confiance : Truth Social a été présenté à sa base comme un refuge contre la censure et l’exploitation des “Big Tech”. Le fait que la plateforme utilise les mêmes méthodes est une trahison de cette promesse.
- L’aspect financier : Les journalistes ont cherché à savoir où l’argent avait atterri, soupçonnant un enrichissement personnel de l’entourage de Trump.
- Les comparaisons avec d’autres scandales : L’affaire a été immédiatement qualifiée de “mini Cambridge Analytica”, réduisant sa complexité à un précédent déjà connu.
En se concentrant sur ces aspects, les médias ont traité ce scandale comme un scandale technologique classique. Ils ont montré l’arbre, mais ils ont caché la forêt.

Ce que les médias ne vous montrent pas : la nature et le but des données
La véritable histoire, celle que l’on découvre en analysant les documents en profondeur, n’est pas dans la vente des données, mais dans la nature des données qui étaient collectées et analysées.
Ce que les médias cachent, par simplification ou par manque d’expertise, c’est que Truth Social n’était pas qu’un simple réseau social. C’était un laboratoire psychométrique géant, conçu pour identifier et profiler les partisans les plus fervents et les plus mobilisables de Donald Trump.
Contrairement à Facebook qui collecte des données principalement à des fins publicitaires (vos goûts, vos amis, vos achats), l’algorithme de Truth Social, selon les révélations du lanceur d’alerte, était optimisé pour mesurer des indicateurs bien plus inquiétants :
- Le “score de radicalité” : Chaque utilisateur se voyait attribuer une note basée sur sa propension à interagir avec des contenus extrêmes, des théories du complot (comme QAnon) ou des discours violents.
- L’identification des “super-propagateurs” : L’algorithme ne se contentait pas de repérer les contenus populaires, il identifiait les individus les plus efficaces pour diffuser la désinformation au sein de leurs propres réseaux.
- L’analyse du “potentiel d’action” : Le système analysait le langage des utilisateurs pour détecter ceux qui étaient les plus susceptibles de passer de la parole aux actes – c’est-à-dire de participer à une manifestation, de faire un don impulsif, ou pire encore.
Ce que les médias ne vous disent pas, c’est que Truth Social n’était pas conçu pour connecter des gens. Il était conçu pour les trier, les classer et les évaluer en fonction de leur potentiel d’embrigadement.
Le véritable objectif caché : bâtir une armée numérique permanente
Pourquoi collecter des données psychométriques aussi sensibles ? La réponse est le véritable cœur du scandale, et c’est là que la couverture médiatique a été la plus défaillante.
L’objectif final n’était pas de vendre quelques listes de marketing pour financer la plateforme. L’objectif était de construire une base de données propriétaire et une arme de mobilisation politique permanente, entièrement contrôlée par le clan Trump et totalement indépendante du Parti Républicain.
Ce scandale révèle la stratégie post-présidentielle de Trump : 1. Créer un outil d’insurrection à la demande : Cette base de données est l’équivalent moderne d’une liste de miliciens. Elle permet à l’entourage de Trump d’identifier en quelques clics les 10 000 partisans les plus “mobilisables” dans un État clé et de leur envoyer un message direct, sans passer par les médias ou les structures du parti. C’est un outil pour déclencher une manifestation, une campagne de pression sur un élu, ou une vague de harcèlement en ligne. 2. Contourner et contrôler le Parti Républicain : Le Parti Républicain (RNC) a ses propres listes d’électeurs et ses propres infrastructures. En construisant sa propre base de données, beaucoup plus détaillée sur le plan psychologique, Trump s’est rendu indépendant du parti. Plus encore, il peut utiliser cette “armée numérique” comme une arme de chantage contre tout élu républicain qui oserait le défier. Il peut lancer des “fatwas” numériques contre ses rivaux internes. 3. Préparer le terrain pour un mouvement perpétuel : Ce que les médias ne réalisent pas, c’est que cet outil n’est pas conçu pour une simple campagne électorale. Il est conçu pour entretenir un mouvement politique populiste en mode “insurrectionnel” permanent, que Trump soit au pouvoir ou non. C’est l’infrastructure d’un “État profond” alternatif, avec ses propres canaux de communication et sa propre base de “soldats” numériques.
Pourquoi ce silence relatif des médias sur le vrai danger ?

Pourquoi la plupart des grands médias se sont-ils contentés de l’angle “vie privée et argent” ? Ce n’est pas une conspiration, mais le résultat de plusieurs facteurs :
- La complexité technique : Expliquer le profilage psychométrique et l’analyse comportementale est beaucoup plus difficile que de raconter une histoire de vente de données. Cela demande une expertise que peu de rédactions possèdent.
- La fatigue du scandale : Le public et les journalistes sont épuisés par des années de “Trumpodrames”. Un scandale complexe et technique a du mal à percer le bruit ambiant et à susciter l’indignation, contrairement à une histoire simple et spectaculaire.
- L’absence de “crime” évident : L’aspect le plus sinistre du projet – la création d’une armée numérique – se situe dans une zone grise légale. Collecter et analyser des données, même psychométriques, n’est pas en soi un crime clairement défini comme l’est l’obstruction à la justice ou la rétention de documents classifiés. Il est donc plus difficile pour les médias de le présenter comme un “scandale” au sens traditionnel du terme.
En conclusion, le nouveau scandale de Donald Trump qui a éclaté autour de Truth Social est bien plus grave que ce que la plupart des médias vous ont dit. Ce qui a été “caché” n’est pas le fait que des données ont été vendues, mais la raison pour laquelle elles ont été collectées.
La véritable histoire n’est pas celle d’un homme d’affaires cynique monétisant ses partisans. C’est celle d’un leader politique construisant, en silence, l’outil le plus puissant imaginable pour maintenir sa base sous contrôle et défier les institutions démocratiques, y compris son propre parti. Ce n’est pas un scandale du passé, sur des actes commis. C’est un scandale du futur, sur une arme en cours de construction.
Les plus grandes menaces pour la démocratie ne sont pas toujours les assauts bruyants et spectaculaires. Parfois, ce sont les infrastructures invisibles qui sont construites en silence, en attendant leur heure. Et c’est cette vérité-là que nous avons collectivement du mal à voir.