Au cœur de la République française, une institution financière unique en son genre opère avec une discrétion presque aussi grande que sa puissance : la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC). Souvent décrite comme le « bras armé financier de l’État », elle gère des centaines de milliards d’euros appartenant aux Français. À sa tête, un homme au parcours singulier, Éric Lombard. Ancien titan du secteur de l’assurance privée, il dirige aujourd’hui ce paquebot de la finance publique.
Cette position prestigieuse soulève une question légitime et récurrente dans l’opinion publique : quel est le montant de la fortune d’Éric Lombard ?
La réponse est loin d’être simple. Elle se situe au carrefour de la transparence exigée pour les hauts fonctionnaires, du secret des affaires qui protège une carrière passée dans le privé, et de la complexité d’évaluer un patrimoine bâti sur plusieurs décennies. Cet article se propose de mener l’enquête, en décortiquant son salaire officiel, en retraçant son parcours lucratif et en explorant les mécanismes de contrôle qui encadrent sa fonction.
Qui est Éric Lombard ? Le Parcours d’un Banquier Passé du Privé au Public

Pour comprendre la constitution potentielle de sa fortune, il est essentiel de retracer le parcours professionnel d’Éric Lombard. Contrairement à beaucoup de ses prédécesseurs, il n’est pas issu des rangs de l’École Nationale d’Administration (ENA), la voie royale vers les sommets de l’État. Son profil est celui d’un expert de la finance et de l’assurance, formé sur le terrain des grandes entreprises privées.
Une Formation d’Excellence et des Débuts Prometteurs
Né en 1958, Éric Lombard est diplômé de la prestigieuse école de commerce HEC Paris en 1981. Il commence sa carrière dans le secteur bancaire, rejoignant le groupe Paribas en 1981. Il y gravit les échelons pendant près de deux décennies, occupant divers postes à responsabilités dans les activités de gestion financière et de fusions-acquisitions. Cette période, dans une banque d’affaires en pleine expansion durant les années 80 et 90, a sans aucun doute constitué la première pierre de son édifice patrimonial.
La Période BNP Paribas Cardif : L’Assurance, un Secteur Lucratif
En 1993, il prend la tête de Paribas Assurance, qui deviendra après la fusion avec la BNP, BNP Paribas Cardif. C’est là qu’il va véritablement s’imposer comme un grand nom de l’assurance en France et à l’international. Sous sa direction, Cardif connaît une croissance spectaculaire, se développant dans de nombreux pays.
Pendant ses années chez BNP Paribas Cardif, sa rémunération était celle d’un haut dirigeant d’une filiale majeure d’un des plus grands groupes bancaires européens. Si les chiffres exacts ne sont pas publics, il est de notoriété que de tels postes s’accompagnent de salaires fixes très confortables, complétés par des bonus annuels substantiels (variables) et souvent des plans de stock-options, permettant d’acquérir des actions de l’entreprise à des conditions préférentielles. C’est durant ces années que sa fortune personnelle a vraisemblablement connu sa plus forte croissance.
La Consécration chez Generali France
En 2013, Éric Lombard quitte le groupe BNP Paribas pour prendre la direction générale de Generali France, la filiale française du géant italien de l’assurance. En tant que Président-Directeur Général, il était l’un des patrons les plus en vue du secteur. Les rémunérations pour ce type de poste dans les grandes compagnies d’assurance se chiffrent généralement en millions d’euros par an, en incluant la part variable.
Son passage chez Generali, bien que plus court, a solidifié son statut et, par conséquent, son patrimoine. Il y a mené une transformation importante de l’entreprise, renforçant sa position sur le marché français.
Le Salaire à la Caisse des Dépôts : Transparence et Plafonnement
En 2017, la carrière d’Éric Lombard prend un virage à 180 degrés. Sur proposition du Président de la République, Emmanuel Macron, il est nommé Directeur Général de la Caisse des Dépôts et Consignations. Il passe ainsi d’un univers où la performance se mesure en profits et où les salaires sont exponentiels, à une institution publique où la mission d’intérêt général prime.
Ce changement de cap a eu un impact direct et significatif sur sa rémunération.
Un Salaire Strictement Encadré par la Loi
La rémunération du Directeur Général de la Caisse des Dépôts est publique et strictement encadrée. Elle est fixée par un décret et ne peut dépasser un plafond défini pour les dirigeants des entreprises publiques. Depuis une loi de 2012, ce plafond est fixé à 450 000 € bruts annuels.
Selon les informations confirmées par plusieurs sources médiatiques fiables comme le journal Les Échos et vérifiables dans les documents officiels, la rémunération brute annuelle d’Éric Lombard en tant que Directeur Général de la Caisse des Dépôts est de 450 000 euros.
Une Différence Colossale avec le Secteur Privé
Ce montant, bien que très élevé par rapport au salaire moyen en France, représente une baisse drastique par rapport à ce qu’il percevait chez Generali. Dans le secteur privé, un dirigeant de son calibre pouvait espérer une rémunération totale (fixe + variable + avantages) plusieurs fois supérieure, pouvant atteindre plusieurs millions d’euros les bonnes années.
De plus, à la CDC, il n’y a ni bonus lié à la performance financière, ni stock-options, ni “golden parachute” (indemnité de départ). Le salaire est fixe et non-négociable au-delà du plafond légal. Ce choix de carrière marque donc, sur le plan financier, un sacrifice apparent, souvent justifié par le prestige de la fonction et le désir de servir l’intérêt public.
Estimer la Fortune d’Éric Lombard : Un Exercice de Déduction
Si son salaire actuel est connu, sa fortune totale reste, elle, une donnée privée. Contrairement aux ministres ou au Président de la République, le patrimoine du Directeur Général de la Caisse des Dépôts n’est pas rendu public.
Cependant, il est soumis à un contrôle strict.
Le Rôle de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP)
Comme tous les hauts responsables publics, Éric Lombard a dû déposer une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d’intérêts auprès de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP). Cette déclaration, extrêmement détaillée, liste l’ensemble de ses biens (immobiliers, comptes bancaires, placements financiers, actions, assurances-vie, etc.) ainsi que ses dettes.
L’objectif de la HATVP est de prévenir les conflits d’intérêts et de contrôler l’évolution du patrimoine pendant la durée du mandat pour s’assurer qu’il n’y a pas d’enrichissement anormal. Une nouvelle déclaration doit être déposée à la fin de ses fonctions.
La nuance cruciale est que ces déclarations ne sont pas publiques. Seuls les membres de la HATVP et l’administration fiscale y ont accès. Le grand public n’a donc pas la possibilité de consulter le montant exact de la fortune d’Éric Lombard.
Hypothèses et estimations prudentes
En l’absence de chiffres officiels, on ne peut que se livrer à des estimations prudentes basées sur son parcours :
- Carrière dans la banque (1981-1993) : Une base solide a été constituée durant ces douze années chez Paribas.
- Direction de BNP Paribas Cardif (1993-2013) : Vingt ans à la tête d’une filiale en pleine croissance d’un géant bancaire. C’est très probablement durant cette période qu’il a accumulé la majeure partie de son patrimoine, grâce à des salaires élevés et des bonus réguliers.
- Direction de Generali France (2013-2017) : Quatre ans à un poste de PDG du CAC 40 (ou équivalent en termes de rémunération), avec des revenus annuels se chiffrant en millions.
- Investissements : Avec de tels revenus, il est logique de penser qu’Éric Lombard a procédé à des investissements judicieux au fil des décennies (immobilier, placements boursiers, etc.), qui ont fait fructifier son capital initial.
En compilant ces éléments, il est raisonnable de supposer que la fortune d’Éric Lombard se chiffre en plusieurs millions, voire en dizaines de millions d’euros. Il serait irréaliste de penser qu’un dirigeant ayant passé plus de 35 ans aux plus hauts niveaux de la finance privée puisse avoir un patrimoine modeste.
Il est toutefois impossible et hasardeux de donner un chiffre précis. Cette fortune a été constituée légalement, avant sa nomination à un poste public, et relève aujourd’hui de sa sphère privée, sous le contrôle de la HATVP.
Le Débat sur la Rémunération des Dirigeants Publics : Attirer les Talents sans Choquer l’Opinion
Le cas d’Éric Lombard est emblématique d’un débat permanent en France : comment rémunérer les dirigeants des grandes institutions et entreprises publiques ?
L’argument pour une Rémunération Élevée
D’un côté, pour attirer des profils de très haut niveau, expérimentés et capables de gérer des entités aussi complexes que la SNCF, EDF ou la Caisse des Dépôts, l’État doit pouvoir proposer des salaires attractifs. Ces profils sont souvent “chassés” dans le secteur privé, où les rémunérations sont bien plus élevées. Le plafond de 450 000 € est vu par certains comme un frein potentiel pour attirer les meilleurs talents internationaux. Le parcours d’Éric Lombard montre qu’il est possible de convaincre des dirigeants du privé, mais cela reste un défi.
L’argument pour la Modération Salariale
De l’autre côté, ces institutions gèrent de l’argent public et remplissent des missions de service public. Une rémunération jugée excessive peut choquer l’opinion publique, surtout dans un contexte économique tendu. Le plafond de 450 000 € a été instauré précisément pour répondre à cette préoccupation de justice sociale et d’exemplarité de l’État. Il représente déjà plus de 10 fois le salaire annuel moyen en France.
Le salaire d’Éric Lombard se situe exactement à ce point d’équilibre : suffisamment élevé pour être crédible au niveau international, mais plafonné pour respecter un principe d’éthique républicaine.
Conclusion : Une Fortune Privée au Service de l’Intérêt Public
En conclusion, la question de la fortune d’Éric Lombard comporte deux réponses distinctes :
- Sa rémunération en tant que Directeur de la Caisse des Dépôts est publique, transparente et plafonnée à 450 000 € bruts par an. C’est un salaire de haut fonctionnaire, bien inférieur à ce qu’il touchait dans le privé.
- Le montant total de son patrimoine personnel est privé et inconnu du public. Cependant, au vu de sa brillante carrière de plus de 35 ans au sommet de la banque et de l’assurance privée, il est légitime de l’estimer à plusieurs millions d’euros. Cette fortune, bâtie avant sa prise de fonction, est déclarée et contrôlée par la HATVP pour garantir l’intégrité de sa mission.
Loin des fantasmes, le cas d’Éric Lombard illustre parfaitement la complexité de la haute fonction publique moderne. Il met en lumière le parcours d’un homme qui a mis une expérience et un réseau acquis dans le monde des affaires au service de l’État, acceptant en contrepartie un cadre de rémunération strict et un contrôle déontologique permanent. Sa fortune, bien que conséquente, est le fruit de sa vie d’avant ; son poste actuel est, lui, un service rendu à la collectivité, dont la valeur se mesure moins par son bulletin de paie que par l’impact de ses décisions sur l’avenir économique et social de la France.