Marlène Schiappa a longtemps été l’une des figures les plus identifiables et médiatiques de la “macronie”. Ancienne ministre, polémiste, et personnalité omniprésente, elle a incarné une certaine modernité politique, non sans s’attirer de vives critiques. Mais depuis sa sortie du gouvernement, son nom est inextricablement lié à une affaire qui a viré au naufrage politique et judiciaire : le scandale du “Fonds Marianne”.
Alors que beaucoup pensaient l’affaire tassée, de nouvelles révélations issues de l’enquête judiciaire, en cet été 2025, viennent de la replacer sous le feu des projecteurs. Ce qui n’était qu’un scandale de mauvaise gestion et de favoritisme présumé prend désormais une tournure bien plus grave. Ces nouveaux éléments constituent-ils le scandale de trop ? Celui qui pourrait définitivement sceller l’avenir d’une des personnalités les plus clivantes de ces dernières années ?
Pour le comprendre, il faut revenir à la genèse de ce fonds, décortiquer les mécanismes de son dévoiement présumé et analyser les dernières conclusions explosives de la justice.
Partie 1 : Le Fonds Marianne, une Noble Idée Née d’une Tragédie
Pour saisir la gravité de l’affaire, il est essentiel de se souvenir du contexte de sa création. Le Fonds Marianne n’est pas né d’une simple décision administrative, mais d’un traumatisme national.
Une Réponse à l’Assassinat de Samuel Paty

Le 16 octobre 2020, la France est sous le choc. Samuel Paty, un professeur d’histoire-géographie, est assassiné par un terroriste islamiste pour avoir montré des caricatures de Mahomet en classe. Cet acte barbare provoque une onde de choc et une prise de conscience sur la puissance de la haine en ligne et du discours séparatiste.
En réponse, le gouvernement de l’époque, et plus particulièrement Marlène Schiappa, alors ministre déléguée chargée de la Citoyenneté, annonce en avril 2021 la création d’un fonds spécial. Baptisé “Fonds Marianne”, il est doté de 2,5 millions d’euros.
La Promesse d’un “Contre-Discours Républicain” en Ligne
L’objectif affiché est louable et nécessaire. Il s’agit de financer des associations et des créateurs de contenu pour qu’ils produisent et diffusent sur les réseaux sociaux un “contre-discours républicain”. L’idée est de combattre la propagande islamiste, le complotisme et la haine en ligne en promouvant les valeurs de la République, la laïcité et l’esprit critique.
Sur le papier, l’initiative est saluée. Mais c’est dans la mise en œuvre de cette belle idée que le scandale va prendre racine, transformant une promesse en un fiasco retentissant.
Partie 2 : L’Engrenage du Scandale, Révélations et Accusations
Le château de cartes a commencé à s’effondrer au printemps 2023, grâce aux enquêtes conjointes du magazine Marianne et de l’émission “Complément d’Enquête” de France 2. Leurs révélations ont mis en lumière une gestion opaque et des attributions de subventions pour le moins douteuses.
Des Subventions Douteuses et des Résultats quasi Nuls
L’enquête journalistique, puis une commission d’enquête du Sénat, ont révélé plusieurs points troublants :
- Des bénéficiaires controversés : La plus grosse subvention (355 000 euros) a été accordée à l’Union des sociétés d’éducation physique et de préparation militaire (USEPPM). Cette association, peu connue pour son expertise numérique, était dirigée par des personnalités proches de certains cercles politiques.
- Des contenus à faible impact : L’argent public a servi à financer des contenus (vidéos YouTube, publications sur les réseaux sociaux) au rendement dérisoire. Certaines vidéos, produites à grands frais, n’ont enregistré que quelques dizaines de vues. Le “contre-discours républicain” n’a manifestement pas atteint sa cible.
- Des soupçons de favoritisme : Le processus de sélection des associations lauréates a été vivement critiqué pour son manque de transparence. Des associations plus petites, mais plus crédibles, ont été écartées au profit de structures aux contours flous, mais apparemment bien connectées.
Ces révélations, largement documentées par des médias comme Franceinfo, ont immédiatement jeté le discrédit sur l’ensemble du dispositif et ont placé Marlène Schiappa en première ligne.
Partie 3 : Le “Nouveau Scandale” de 2025, l’Enquête Judiciaire Accable
Si le scandale politique et médiatique a culminé en 2023 avec l’audition houleuse de Marlène Schiappa au Sénat, l’affaire a continué son cours sur le plan judiciaire. En cet été 2025, les conclusions de l’enquête menée par le Parquet National Financier (PNF) apportent de nouveaux éléments qui secouent à nouveau l’ancienne ministre.
Des Soupçons de “Délit d’Initié” Politique
Le “nouveau scandale” qui éclate aujourd’hui concerne la nature même du processus d’appel à projets. Selon des informations issues de l’enquête judiciaire, le PNF aurait mis la main sur des communications (e-mails, messages) prouvant que le cabinet de Marlène Schiappa aurait eu des échanges approfondis avec certains futurs lauréats avant même le lancement officiel de l’appel à projets.
Ces échanges suggèrent que les dés étaient pipés. Certains candidats auraient été “briefés” en amont sur les attentes et les critères, leur donnant un avantage décisif sur les autres. Si ces faits sont avérés, cela ne relève plus de la simple négligence, mais pourrait être qualifié de favoritisme, voire de délit de concussion.
Vers une Mise en Examen ?
Ces nouveaux éléments changent la donne pour Marlène Schiappa. Jusqu’à présent, sa défense consistait à dire qu’en tant que ministre, elle fixait un cap politique mais ne gérait pas les détails administratifs de l’attribution des fonds. Elle rejetait la faute sur son administration ou son directeur de cabinet.
Mais les dernières révélations de l’enquête tendent à démontrer une implication plus directe de son cabinet dans l’orientation des choix. La justice cherche désormais à savoir si elle avait personnellement connaissance de ces pratiques. La question d’une mise en examen pour “détournement de fonds publics par négligence” ou pour des chefs d’accusation plus graves est désormais posée avec une acuité nouvelle. L’affaire, qui était politique, est devenue une menace judiciaire directe pour l’ancienne ministre.
Partie 4 : Un Personnage Politique qui Divise
Pour comprendre pourquoi l’affaire du Fonds Marianne prend une telle ampleur, il faut aussi comprendre le personnage de Marlène Schiappa. Sa personnalité et son parcours politique ont toujours été source de divisions et de polémiques, ce qui la rend particulièrement exposée.
Une Communication à Toute Épreuve
Depuis son blog “Maman travaille” jusqu’à ses ministères, Marlène Schiappa a toujours basé sa carrière sur une communication offensive et une présence médiatique constante. Elle a écrit de nombreux livres, participé à d’innombrables émissions, et n’a jamais hésité à prendre des positions tranchées. Cette hyper-visibilité, si elle a servi sa carrière, la rend aussi plus vulnérable. Chaque faux pas est immédiatement amplifié et commenté.
Des Polémiques en Série
Le Fonds Marianne n’est pas sa première controverse. On se souvient de la polémique autour de son interview et de sa couverture pour le magazine [suspicious link removed], qui avait choqué une partie de la classe politique, y compris dans son propre camp. Cependant, l’affaire du Fonds Marianne est d’une autre nature. Elle ne concerne plus son image ou ses choix de communication personnels, mais l’utilisation de l’argent public et l’exercice de sa fonction ministérielle. C’est pourquoi elle est bien plus dangereuse pour elle.
La Chute d’une Figure de la Macronie ?
Marlène Schiappa a été l’une des premières figures du “nouveau monde” promis par Emmanuel Macron en 2017. Elle incarnait le renouveau, la parité et une nouvelle façon de faire de la politique. Aujourd’hui, en 2025, elle est hors du gouvernement et embourbée dans une affaire qui symbolise, pour ses détracteurs, les dérives du pouvoir : l’opacité, le copinage et le mépris de l’argent du contribuable.
Conclusion : L’Heure des Comptes a Sonné
Le “nouveau scandale” qui secoue Marlène Schiappa est en réalité l’aboutissement judiciaire de l’affaire du Fonds Marianne. Les dernières révélations de l’enquête transforment ce qui pouvait passer pour une erreur de gestion en un possible délit pénal.
L’histoire du Fonds Marianne est celle d’un immense gâchis. Une idée noble, née d’une tragédie nationale, qui se serait perdue dans les méandres des ambitions personnelles et des logiques de cabinet. C’est une leçon amère sur la responsabilité politique et l’utilisation des deniers publics.
Pour Marlène Schiappa, l’heure des comptes semble avoir sonné. Quel que soit le verdict final de la justice, son image est durablement ternie. L’affaire restera comme une tache indélébile sur son parcours, et comme un cas d’école des dérives possibles lorsque de belles intentions ne sont pas accompagnées par la rigueur et l’éthique irréprochables qu’exige la fonction publique. Le destin de l’ancienne ministre est désormais suspendu aux décisions de la justice de la République.