Dans le panthéon du cinéma français, certains noms résonnent avec une force particulière, évoquant des décennies de films cultes, de rires et de larmes. Le nom “Brasseur” en fait incontestablement partie. Porté au firmament par le talent brut et l’humanité débordante de Claude Brasseur, ce nom représente aujourd’hui un héritage colossal. Un héritage que son fils, Alexandre Brasseur, ne se contente pas de porter, mais qu’il honore et réinvente avec une grâce et une humilité qui forcent l’admiration. Loin d’être écrasé par l’ombre du géant, Alexandre a su tracer sa propre voie, devenant une figure aimée du public français, notamment grâce à son rôle phare dans la série à succès Demain nous appartient. Cet article explore la transmission unique entre un père et son fils, deux acteurs unis par le sang et la passion, et la manière dont Alexandre Brasseur perpétue une légende tout en écrivant la sienne.
Une Dynastie d’Acteurs : Les Racines de l’Excellence

Pour comprendre l’envergure de l’héritage, il faut remonter le temps. La saga Brasseur ne commence pas avec Claude, mais avec son propre père, le monstre sacré Pierre Brasseur. Acteur de génie, inoubliable dans Les Enfants du paradis de Marcel Carné, Pierre était une force de la nature, un homme de théâtre et de cinéma à la présence magnétique. Il a épousé une autre grande figure du cinéma, la comédienne Odette Joyeux. De cette union est né Claude, en 1936.
Le décor était planté. Claude a grandi dans les coulisses des théâtres, baigné dans l’art dramatique. Pourtant, loin de suivre une voie toute tracée, il a d’abord rêvé d’une autre vie. Passionné de vitesse, il s’est tourné vers la course automobile, participant même au célèbre rallye Paris-Dakar. Mais le sang ne saurait mentir. L’appel de la scène fut plus fort, et c’est pour le plus grand bonheur du public français que Claude Brasseur a finalement embrassé la carrière d’acteur.
Claude Brasseur : Le “Grande Gueule” au Cœur Tendre du Cinéma Français
Définir la carrière de Claude Brasseur est une tâche presque impossible tant elle fut riche et éclectique. Avec plus de 110 films à son actif, il a touché à tous les genres, de la comédie populaire au drame poignant, en passant par le film policier. Ce qui le caractérisait, c’était cette authenticité rare, cette capacité à incarner le Français moyen avec une justesse désarmante.
Les Rôles Iconiques qui ont Marqué une Génération
- Daniel, l’ami infidèle dans Un éléphant ça trompe énormément (1976) : Aux côtés de Jean Rochefort, Victor Lanoux et Guy Bedos, il forme un quatuor d’amis inoubliable. Son personnage de Daniel, séducteur un peu bourru, lui vaudra le César du meilleur acteur dans un second rôle en 1977. Ce film, et sa suite Nous irons tous au paradis, sont devenus des classiques de la comédie française.
- François Beretton, le père dans La Boum (1980) : Qui peut oublier ce père aimant et un peu dépassé, tentant de comprendre sa fille adolescente, jouée par une jeune Sophie Marceau ? Ce rôle a fait de lui le “papa idéal” pour des millions de Français, montrant une facette plus tendre et familiale de son jeu. Le succès phénoménal de La Boum a solidifié son statut d’acteur immensément populaire.
- Jacky Pic, le campeur dans Camping (2006) : Plus tard dans sa carrière, il prouve qu’il n’a rien perdu de sa verve comique. En incarnant Jacky, le doyen des campeurs aux Flots Bleus, il offre des répliques cultes et participe au succès retentissant de cette comédie de Fabien Onteniente.
Au-delà de ces rôles, Claude Brasseur, c’était une voix, une présence. Un homme qui ne trichait pas, ni à l’écran, ni dans la vie. Son franc-parler et sa générosité étaient légendaires. Il a reçu un second César, celui du meilleur acteur en 1980, pour son rôle intense dans le film policier La Guerre des polices. Cette reconnaissance par ses pairs a consacré un talent capable de naviguer entre le rire et la gravité avec une aisance déconcertante.
Alexandre Brasseur : Naître avec un Nom, Se Faire un Prénom
C’est dans ce contexte, à l’apogée de la gloire de son père, que naît Alexandre Brasseur en 1971. Pour lui, la question de l’héritage s’est posée dès le premier jour. Comment exister par soi-même quand on est le “fils de” Claude Brasseur et le “petit-fils de” Pierre Brasseur ?
Les Premiers Pas : Entre Discrétion et Affirmation
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, Alexandre n’a pas été poussé sous les feux des projecteurs. Très tôt, il a compris que le nom qu’il portait était à la fois une chance et un défi. Il a suivi une formation classique, apprenant le métier loin des plateaux de son père, cherchant à se forger ses propres outils d’acteur. Ses débuts ont été marqués par une certaine discrétion, avec des rôles au théâtre, à la télévision et dans quelques films, comme pour apprivoiser ce monde qui était le sien depuis toujours.
Dans de nombreuses interviews, Alexandre a parlé avec lucidité de ce poids. Il a souvent raconté comment, à ses débuts, certains réalisateurs ou directeurs de casting le regardaient avec une attente implicite : “Montre-nous ce que tu as dans le ventre, petit Brasseur.” Plutôt que de le paralyser, cette pression semble avoir agi comme un moteur. Il fallait être irréprochable, travailler deux fois plus pour prouver qu’il n’était pas là par hasard, mais par talent.
Le Lien Père-Fils : Une Transmission au-delà des Mots
La relation entre Claude et Alexandre Brasseur était d’une pudeur et d’une profondeur touchantes. Ce n’étaient pas des hommes de grandes effusions publiques, mais leur complicité et leur respect mutuel étaient évidents. Claude n’a jamais cherché à dicter sa conduite à son fils. Il l’a laissé faire ses propres choix, ses propres erreurs, tout en restant un phare, un guide silencieux.
Le plus beau symbole de leur transmission reste sans doute la pièce de théâtre Mon père avait raison de Sacha Guitry, qu’ils ont jouée ensemble en 2007. Sur scène, ils incarnaient un père et son fils, brouillant les frontières entre la fiction et la réalité. Ce fut un moment de grâce, une passation de pouvoir symbolique où le public a pu voir deux générations de Brasseur se donner la réplique. Pour Alexandre, c’était une consécration. Pour Claude, une immense fierté.
Dans son livre autobiographique Additionne, Alexandre Brasseur se livre avec émotion sur cette relation. Il y décrit un père aimant, passionné, parfois bourru mais toujours présent. Il raconte les valeurs que Claude lui a transmises : le travail, le respect du public, l’honnêteté et la joie de vivre. “Mon père ne m’a pas donné de conseils, il m’a donné l’exemple”, confiait-il souvent. Cette phrase résume à elle seule la nature de leur lien.
La Consécration Populaire : Alex Bertrand dans “Demain nous appartient”
Si le théâtre et divers rôles avaient déjà installé Alexandre Brasseur comme un acteur solide, c’est un feuilleton quotidien qui va le faire entrer dans le cœur de millions de foyers français. En 2017, il accepte le rôle d’Alex Bertrand dans la nouvelle série de TF1, Demain nous appartient.
Le succès est immédiat et colossal. La série devient un phénomène de société, et son personnage, Alex, en est l’un des piliers. Père de famille, mari aimant mais tourmenté, patron d’un mas ostréicole, Alex Bertrand est un personnage complexe et profondément humain. Alexandre Brasseur lui prête sa sensibilité, sa force tranquille et son charisme naturel.
Avec ce rôle, Alexandre accomplit quelque chose de remarquable. Il atteint une popularité comparable à celle de son père, mais par un canal différent. Là où Claude était la star du grand écran, Alexandre devient une figure familière du petit écran, un rendez-vous quotidien pour des millions de téléspectateurs. Il n’est plus seulement “le fils de Claude Brasseur”, il est “Alex de DNA”. Il a réussi à se faire un prénom, à imposer sa propre identité artistique tout en marchant dans les pas de son père.
Ce succès populaire est peut-être le plus bel hommage qu’il pouvait rendre à Claude. Car son père, malgré ses César et ses rôles exigeants, a toujours revendiqué son amour pour le cinéma populaire, celui qui rassemble et qui touche les gens. En devenant une star de la télévision, Alexandre perpétue cette tradition d’un art accessible et généreux.
Porter l’Héritage Aujourd’hui : Entre Devoir de Mémoire et Avenir
La disparition de Claude Brasseur en décembre 2020 a laissé un vide immense. Pour Alexandre, la perte fut bien sûr personnelle et douloureuse. Mais elle a aussi officialisé son rôle de gardien de la mémoire. Avec une dignité et une émotion poignantes, il a rendu hommage à son père, partageant des souvenirs et des anecdotes qui ont permis au public de redécouvrir l’homme derrière l’acteur.
Aujourd’hui, Alexandre Brasseur porte cet héritage avec une maturité impressionnante. Il ne le subit pas, il le vit. Il continue de briller dans Demain nous appartient, tout en explorant d’autres projets, notamment au théâtre, son premier amour. Il sait que chaque fois qu’il monte sur scène ou qu’il apparaît à l’écran, il porte en lui une part de son père et de son grand-père.
Ce n’est pas un fardeau, mais une force. Une lignée de passion, de travail et d’amour du public. L’histoire des Brasseur est une véritable saga française, un roman familial où le talent se transmet comme un flambeau olympique. Pierre l’a allumé, Claude l’a porté au sommet, et Alexandre, avec son propre style et sa propre lumière, le fait briller pour les générations à venir.
Conclusion : Plus qu’un Nom, une Signature
L’histoire d’Alexandre Brasseur est une leçon inspirante sur la transmission et l’identité. Il nous montre qu’hériter d’un nom illustre n’est pas une fin en soi. Le véritable défi est de se montrer digne de cet héritage tout en affirmant sa singularité. Alexandre a relevé ce défi avec brio.
En alliant la gouaille et la force tranquille héritées de son père à sa propre sensibilité, il a créé un style unique. Il a su conquérir le cœur du public non pas par son nom, mais par son travail, son humilité et son authenticité. Il n’a pas remplacé Claude Brasseur – personne ne le pourra jamais – mais il assure la continuité d’une dynastie d’acteurs exceptionnels.
L’héritage de Claude Brasseur n’est pas seulement une filmographie impressionnante ; c’est un état d’esprit, une passion pour le jeu et un profond respect pour le public. En regardant Alexandre Brasseur aujourd’hui, on voit un homme épanoui, un acteur accompli qui a trouvé sa juste place. Il est la preuve vivante que le flambeau a été transmis à la bonne personne. La saga Brasseur continue, et elle est entre de bonnes mains.