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Venus Williams

Venus Williams : ce qu’elle n’avait jamais osé dire sur sa sœur Serena.

  • July 24, 2025

Dans le panthéon du sport mondial, peu de récits sont aussi captivants que celui des sœurs Williams. Deux filles de Compton, entraînées par un père à la vision prophétique, qui ont pulvérisé les codes d’un sport majoritairement blanc et élitiste pour en devenir les reines incontestées. Si le monde a célébré la puissance et la domination de Serena, la plus jeune, la figure de Venus, l’aînée, reste empreinte d’une complexité fascinante. Derrière les sourires partagés en double et les trophées soulevés côte à côte, se cache une histoire de rivalité, de sacrifice et d’un amour fraternel si profond qu’il a redéfini les contours de la compétition. Que pense réellement Venus de l’ombre gigantesque projetée par sa sœur cadette ? Quels sont les sentiments qu’elle n’a, peut-être, jamais osé exprimer à voix haute ? Plongeons au cœur d’une relation unique, à travers les yeux de celle qui a ouvert la voie.

Venus Williams
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L’Aube d’une Révolution : Le Plan de Richard Williams

Pour comprendre la dynamique entre Venus et Serena, il faut remonter à la genèse de leur histoire, à ce fameux plan de 85 pages rédigé par leur père, Richard Williams, avant même leur naissance. L’objectif était clair : faire de ses filles les meilleures joueuses de tennis du monde. Venus Ebone Starr Williams, née le 17 juin 1980, fut la première incarnation de ce rêve. Grande, athlétique, dotée d’un service foudroyant et d’une grâce féline, elle était destinée à être la pionnière.

Dès son plus jeune âge, Venus a porté sur ses épaules non seulement ses propres espoirs, mais aussi ceux de toute sa famille. Elle était le prototype, le modèle sur lequel Serena, de quinze mois sa cadette, allait se construire. Dans leurs interviews d’enfance, on perçoit déjà cette dynamique. Venus, protectrice, sérieuse, consciente de son rôle. Serena, plus espiègle, mais toujours dans le sillage de sa grande sœur. “Je veux être comme Venus”, répétait-elle souvent.

Ce que l’on n’a peut-être jamais assez souligné, c’est le poids de cette responsabilité pour Venus. Être la première à affronter le scepticisme, les préjugés raciaux et la pression d’un circuit professionnel impitoyable. Chaque victoire de Venus était une brèche ouverte dans la forteresse du tennis traditionnel, un chemin défriché pour celle qui la suivait. A-t-elle parfois ressenti la solitude de l’exploratrice ? A-t-elle jamais eu l’impression de devoir être deux fois plus forte, deux fois plus parfaite, pour que la porte reste ouverte pour Serena ? C’est une charge mentale immense pour une adolescente. Dans le silence de ses pensées, Venus a sans doute compris très tôt que son destin personnel était intrinsèquement lié, pour le meilleur et pour le pire, à celui de sa sœur.

La Rivalité sur le Court : Plus qu’un Simple Match

Le monde du tennis a été immédiatement fasciné par la perspective de voir deux sœurs s’affronter au plus haut niveau. Leur première rencontre professionnelle a eu lieu à l’Open d’Australie en 1998. Venus l’emporte, comme elle le fera lors de leurs premières confrontations. À cette époque, la hiérarchie est claire : Venus est la numéro un de la famille, la star en devenir.

Pourtant, cette dynamique allait bientôt basculer. Le tournant s’opère au début des années 2000. Serena, avec sa puissance brute et une rage de vaincre presque animale, commence à prendre le dessus. Elle bat Venus dans quatre finales de Grand Chelem consécutives entre 2002 et 2003, une série qui sera baptisée le “Serena Slam”. Imaginez le tumulte psychologique. La personne que vous aimez le plus au monde, votre plus proche confidente, devient votre plus grande rivale, celle qui vous prive des titres les plus convoités.

Comment gérer une telle situation ? Venus a toujours fait preuve d’une dignité et d’une grâce exemplaires dans la défaite face à sa sœur. Jamais un mot de travers, toujours une étreinte sincère au filet. Mais que se passait-il une fois les portes du vestiaire refermées ? Comment ne pas ressentir une pointe d’amertume, de frustration ? C’est humain. Ce que Venus n’a jamais dit, mais que son attitude a toujours suggéré, c’est peut-être ceci : “Ma défaite est douloureuse, mais voir Serena triompher est une part de ma propre victoire.” Elle a vu en Serena non pas une adversaire qui la surpassait, mais l’accomplissement ultime du rêve familial. La réussite de Serena était la validation du plan de leur père, un plan dont Venus avait été la première pierre angulaire. En perdant contre sa sœur, elle ne perdait pas contre une étrangère ; le trophée restait dans la famille, le nom “Williams” restait gravé dans l’histoire. C’est un sacrifice émotionnel d’une rare intensité.

Dans une interview révélatrice des années plus tard, Venus a admis à quel point il était difficile de jouer contre Serena. Non pas à cause de la technique, mais à cause du lien affectif. “Je ne vois pas ma rivale, je vois ma petite sœur”, a-t-elle confié. C’est peut-être là que réside la clé de leur dynamique sur le court. Pour Serena, battre Venus était peut-être un moyen de s’affirmer, de sortir de l’ombre de son aînée. Pour Venus, battre Serena était peut-être plus complexe, comme si elle devait vaincre une partie d’elle-même.

Vivre dans l’Ombre du “GOAT” : Fierté et Nuances

Au fil des ans, Serena Williams a accumulé les records, remportant 23 titres du Grand Chelem en simple, un chiffre qui la place au sommet de l’ère Open. Elle est unanimement considérée comme la “Greatest Of All Time” (GOAT). Pendant ce temps, Venus, avec ses sept titres du Grand Chelem en simple et sa carrière d’une longévité exceptionnelle, est elle-même une légende absolue du sport. Pourtant, la comparaison est inévitable et souvent cruelle.

Comment vit-on le fait d’être une icône mondiale tout en étant constamment définie par rapport à sa propre sœur, encore plus célèbre ? C’est sans doute l’un des aspects les plus délicats de la psyché de Venus. Elle n’a jamais montré la moindre trace de jalousie. Au contraire, elle a toujours été la première supportrice de Serena, vibrant à chacun de ses exploits, la défendant bec et ongles contre les critiques.

Mais derrière cette façade de soutien inconditionnel, il doit y avoir des pensées plus nuancées. Ce que Venus n’a jamais crié sur les toits, c’est que son propre palmarès est monumental et aurait dû suffire à la définir comme une championne unique. Sans Serena, Venus aurait peut-être remporté une dizaine de Grands Chelems supplémentaires. Elle aurait été la figure dominante de sa génération. A-t-elle parfois songé à cette carrière alternative ? A-t-elle ressenti une forme d’injustice médiatique, où ses propres accomplissements semblaient parfois minimisés face à l’épopée de Serena ?

Probablement. Mais Venus a choisi une autre voie : celle de l’acceptation et de la fierté partagée. C’est une preuve de sa maturité et de sa force de caractère exceptionnelles. Elle a compris que leur histoire était commune. Le succès de l’une nourrissait celui de l’autre. Leurs 14 titres du Grand Chelem en double et leurs 3 médailles d’or olympiques ensemble en sont la preuve éclatante. En équipe, elles étaient invincibles, une entité fusionnelle. Ce succès partagé a sans doute été un baume, une manière de rééquilibrer la balance de leur rivalité en simple.

Venus Williams
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De plus, Venus a mené ses propres combats, qui ont également façonné son héritage. Son combat pour l’égalité des primes entre hommes et femmes à Wimbledon et Roland-Garros, qu’elle a finalement remporté, est un jalon historique pour le sport féminin. C’est un combat qu’elle a mené seule, pour toutes les joueuses. C’était sa manière de laisser une empreinte indélébile, distincte de celle de Serena.

Le Syndrome de Sjogren : La Bataille Silencieuse

En 2011, un autre défi, plus intime et plus redoutable qu’une finale de Grand Chelem, est venu frapper Venus. On lui a diagnostiqué le syndrome de Sjogren, une maladie auto-immune provoquant une fatigue extrême et des douleurs articulaires. Pour une athlète de haut niveau, dont le corps est l’outil de travail, le diagnostic était dévastateur.

Beaucoup auraient mis un terme à leur carrière. Pas Venus. Cette période a révélé une autre facette de sa personnalité : une résilience à toute épreuve. Elle a dû réapprendre à vivre, à s’alimenter – en adoptant un régime végétalien cru – et à s’entraîner. Ce qu’elle n’a peut-être jamais totalement exprimé, c’est la terreur et la solitude qu’elle a dû ressentir. Voir son corps, autrefois si puissant et obéissant, la trahir. La peur de ne plus jamais pouvoir jouer au tennis, le sport qui définissait sa vie depuis l’enfance.

Durant cette épreuve, le soutien de Serena a été crucial. La dynamique s’est inversée. Ce n’était plus la grande sœur protectrice et la petite sœur dans son sillage. C’était deux femmes, deux âmes sœurs, se soutenant face à l’adversité. Serena a souvent exprimé son admiration pour le courage de Venus, pour sa capacité à revenir sur le circuit et à rester compétitive au plus haut niveau malgré la maladie.

Le retour de Venus en finale de Grand Chelem, à l’Open d’Australie en 2017, puis à Wimbledon la même année, est l’un des chapitres les plus émouvants de sa carrière. Et qui a-t-elle affronté en finale à Melbourne ? Serena, bien sûr. Serena l’a emporté, mais ce jour-là, la véritable victoire était celle de Venus sur la maladie. C’était la preuve que sa volonté était plus forte que tout. C’est un message puissant qu’elle a envoyé, non pas avec des mots, mais avec sa raquette et sa détermination.

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L’Héritage de Venus : Plus qu’une Simple Numéro Deux

Alors, que reste-t-il de non-dit dans la relation entre Venus et Serena Williams ? Peut-être rien d’inavouable, mais plutôt une myriade de sentiments complexes qu’il est impossible de résumer en une phrase. Il y a l’immense fierté d’avoir participé à la plus grande épopée du tennis féminin. Il y a la conscience d’avoir été à la fois le bouclier et le tremplin pour sa sœur. Il y a la douleur silencieuse des défaites dans les moments clés, une douleur adoucie par la joie de voir le nom Williams triompher.

Ce que Venus Williams n’a jamais osé dire sur sa sœur Serena, ce n’est pas un secret sombre ou un ressentiment caché. C’est peut-être simplement l’ampleur du fardeau émotionnel qu’elle a porté avec une grâce infinie. Le fardeau d’être la pionnière. Le fardeau d’être la rivale la plus proche du plus grand phénomène du tennis. Le fardeau de devoir constamment partager la lumière, voire de rester dans l’ombre.

Mais l’héritage de Venus ne se mesure pas à l’aune de celui de Serena. Il se mesure à sa propre résilience, à son élégance sur et en dehors du court, à son rôle de leader dans la lutte pour l’égalité et à son incroyable longévité. Elle n’était pas seulement la sœur de Serena ; elle était la tempête avant l’ouragan, la visionnaire qui a rendu le rêve possible.

Aujourd’hui, alors que les deux sœurs sont dans le crépuscule de leurs carrières respectives, leur lien semble plus fort que jamais. Elles ont transcendé le sport. Elles sont des icônes culturelles, des modèles pour des millions de personnes. Et dans l’histoire qu’elles continueront de raconter, il y aura toujours ce chapitre silencieux, celui des émotions que seule Venus connaît vraiment. L’histoire d’une grande sœur qui, en aidant sa cadette à devenir la plus grande de tous les temps, est elle-même devenue une légende éternelle. Leur saga n’est pas celle d’une rivalité, mais celle d’un amour fraternel qui a conquis le monde. Et ce silence pudique de Venus sur ses propres sacrifices n’est finalement que la plus belle preuve de cet amour.